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Chinchero, le lieu de naissance de l'arc-en-ciel pour les Incas, est un des endroits que j'ai préféré dans la Vallée Sacrée. Ce village, situé à une vingtaine de kilomètres de Cuzco, est construit à 3700 m d'altitude en bordure du plateau qui surplombe la vallée de l'Urubamba.
Nous commençons la matinée par la visite d'un atelier de tissage, situé dans la cour d'une maison. Les villageoises de Chinchero se sont regroupées en association pour faire connaître leur artisanat aux touristes et préserver les techniques traditionnelles. Elles nous expliquent les différentes étapes de leur travail, en particulier la coloration de la laine, entièrement réalisée à partir de pigments naturels (plantes, cochenilles…), et le tissage des différents motifs traditionnels. Pendant ce temps les enfants peuvent caresser des animaux domestiques locaux (cochons d'Inde, alpagas…). Une visite passionnante, que l'on peut terminer en achetant des produits de l'atelier.
Puis nous partons pour le centre du village et les ruines Incas. Le "Boleto turistico", billet donnant accès à une dizaine de sites de la vallée sacrée et de Cuzco, est nécessaire pour y accéder.
Chinchero est un village charmant, on y découvre des bâtisses coloniales crépies de blanc ou de rose, construites sur des soubassements d'origine Inca. Ce dimanche là un mariage est célébré dans la petite église, nous apercevons les mariés et les invités alors que les cloches sonnent la fin de la cérémonie.
En bordure du village, des terrasses datant de l'époque des Incas descendent profondément dans la vallée. Peu de visiteurs vont jusque là, c'est pourtant très beau. Nous restons un long moment assis sur les marches des escaliers qui desservent les terrasses.
Ces paysages grandioses servent aussi d'habitat à une faune variée, en particulier des rapaces. Ci-dessous un Caracara montagnard (Phalcoboenus megalopterus), la photo n'est pas extraordinaire mais c'est la seule que j'ai à vous montrer. Les caracaras font parties de la famille des faucons, cependant leur comportement est assez différent. Notre Caracara montagnard, par exemple, cherche sa nourriture essentiellement à terre, en marchant et en grattant le sol. Il se nourrit d'insectes, de petits animaux (rongeurs, oisillons), de charognes et de déchets. Il remplace en quelque sorte nos corneilles.
Dans la falaise qui bordent les terrasses, on retrouve nos Crécerelles d'Amérique (Falco sparverius), espèce déjà observée à Raqchi (voir l'article : 13 août 2015 : La route du Soleil ) et que l'on retrouvera au Machu-Picchu. Ici il s'agit vraisemblablement d'un couple (le mâle est de dos, reconnaissable aux motifs de son plumage, en particulier la queue roux uni bordée de noir). Le mâle a attrapé un petit reptile qu'il offre à sa femelle. Peut-être sont-ils posés à l'entrée de leur nid ?
Après la visite du site archéologique, en descendant vers le marché, nous observons une autre espèce déjà rencontrée à Chivay (voir l'article : 10 août 2015 : Alpagas, percefleurs et flamants) : le Percefleur à gorge noire (Diglossa brunneiventris). Ce qui est amusant c'est qu'ils se nourrissent ici du nectar des mêmes fleurs qu'à Chivay, les fleurs de l'Inca ou Cantua buxifolia. La femelle (photo ci-dessous) a des coloris bien plus ternes que le mâle (photo suivante).
Nous terminons la matinée à Chinchero par la visite du marché. C'est un vrai marché traditionnel où les habitantes des villages environnants viennent vendre leurs fruits et légumes, ainsi que quelques objets d'artisanat. Si vous avez un petit creux, un épis de maïs bouilli accompagné de fromage local vous aidera à marchander vos achats. Bon à savoir : ce marché n'a lieu que le dimanche, pour le visiter il faut donc prévoir son circuit en conséquence.
Avant de rejoindre Cuzco, une petite fleur en souvenir de Chinchero. Je n'ai pas réussie à l'identifier pour l'instant…
De retour à Cuzco, après un peu de repos à notre hôtel (on se fatigue vite en altitude) nous allons visiter l'église de la Compagnie de Jésus, qui fait concurrence à la Cathédrale sur la Place d'armes. Contrairement à la plupart des églises au Pérou, les statues sont ici plus classiques (elles ne ressemblent pas à des poupées). La riche décoration baroque de l'édifice permet de se rendre compte de la puissance des Jésuites du temps de la colonisation espagnole, d'ailleurs le roi d'Espagne les chassa de ses colonies en 1767. On ne manquera pas d'admirer les nombreux tableaux de l'école de Cuzco qui ornent les murs de l'église.
Pour terminer cette journée, une petite pause sur une des nombreuses places de Cuzco, en compagnie des Bruants chingolo et des Tourterelles oreillardes…
A bientôt pour la suite du voyage : notre dernière journée dans la vallée sacrée.
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L'enquête sur les oiseaux nicheurs de Paris permet de belles observations de la vie de famille des oiseaux (j'ai eu la chance d'observer hier matin au Jardin des Plantes une famille de Mésanges à longue queue et une autre de Mésanges huppées, avec des petits aussi craquants les uns que les autres), mais aussi d'être témoins d'autres comportements parfois très étonnants.
Vendredi dernier (13 mai), après le déjeuner, nous sommes allés faire un petit tour à la Ménagerie du Jardin des Plantes. Pas beaucoup d'indices de nidification pour cette fois mais une observation très surprenante.
Une Corneille noire (Corvus corone) se pose près de nous dans les herbes et commence à fouiller dans une fourmilière. Je me dis, c'est bizarre, je ne savais pas que les corneilles mangeaient des fourmis, quand tout à coup la corneille se vautre littéralement sur la fourmilière en écartant les ailes, et laisse les fourmis lui recouvrir le plumage, en ayant l'air contente d'elle même :
Voila ce que ça donne en gros plan, on en voit même qui passent sous les plumes :
La corneille s'applique à répartir les fourmis sur son plumage pendant 5 bonnes minutes. Le phénomène est assez peu documenté, sur Internet on trouve une mention d'un ouvrage datant de 1975 : "Le guide des oiseaux" de Sélection du Reader's Digest", et un article en anglais : https://en.wikipedia.org/wiki/Anting_(bird_activity). Il semblerait que de nombreuses espèces d'oiseaux pratiquent le bain de fourmis, l'hypothèse la plus probable étant que les fourmis dérangées émettent une grande quantité d'acide formique qui agirait comme un insecticide, un fongicide et un bactéricide afin d'aider l'oiseau à se débarrasser de ses parasites. Certains pensent qu'en plus l'acide formique renforce les plumes, en particulier celles des ailes.
Certains oiseaux en profite pour manger les fourmis qui deviennent comestibles une fois débarrassées de leur acide formique, mais cela ne semble pas être le cas de la corneille.
Une dernière photo, avant de laisser la corneille à ses occupations, avec un petit air de "ça vous pose un problème que je prenne un bain de fourmis ?" :
Et pour finir cet article, allons faire un petit tour de l'autre côté de l'Atlantique : parmi les oiseaux prenant régulièrement des bains de fourmis, on trouve aussi le Geai bleu (Cyanocitta cristata - Blue Jay), un geai très commun à l'ouest de l'Amérique du Nord. Un comportement similaire à celui de notre corneille est documenté ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Geai_bleu. Photo ci-dessous prise à Central Park, New York, mai 2013 :
Je vous dis à bientôt pour d'autres découvertes. En attendant, ce week-end c'est la fête de la Nature, profitez-en pour l’observer même au pied de chez vous, il y a toujours de merveilleuses choses à voir.
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La dernière semaine d'avril, nous sommes partis en famille passer quelques jours dans le Morbihan. Avant de partir, j'avais repéré près de Sarzeau, où nous logions, la réserve naturelle du Marais de Séné, en bordure du Golfe du Morbihan, et envisagé d'y passer un après-midi.
Mais finalement c'est le marais de Suscinio qui fut notre destination ornithologique de la semaine.
Le Château de Suscinio est un superbe château médiéval situé sur la commune de Sarzeau, dont les ruines furent remarquées et classées Monument historique par Prosper Mérimée en 1840. Racheté par le Conseil général du Morbihan en 1965, il a depuis été magnifiquement restauré. La visite permet de comprendre l'histoire du château, mise en perspective avec celle des Ducs de Bretagne. On y découvre aussi les étapes de sa restauration et les résultats des dernières fouilles archéologiques réalisées sur le site.
Cependant l'intérêt de Suscinio n'est pas qu'historique : entre l'Océan Atlantique et le château, d'anciens marais salants, dont l'existence remonte à la construction de la forteresse, constituent de nos jours une zone humide propice à l'avifaune locale et aux haltes migratoires d'espèces diverses. Un site pas trop fréquenté à cette saison, permettant de belles observations. Ci-dessous le château vu du marais :
Avant de rejoindre le marais, si vous venez au printemps, faites le tour du château par l'extérieur : une colonie mixte de Choucas des tours (Coloeus monedula) - photo ci-dessous - et de Pigeons bisets domestiques (Columba livia) a élu domicile dans une des parois de la forteresse. Il semble y avoir une certaine hiérarchie : les choucas occupent les cavités du haut, les pigeons celles du bas.
Comme dans toutes les zones humides, les canards et autres anatidés font parties des espèces que l'on peut observer facilement. On verra bien sûr des Canards colverts (Anas platyrhynchos), puis des Cygnes Tuberculés (Cygnus olor), mais ce sont surtout les Tadornes de Belon (Tadorna tadorna) qui se font remarquer. Une belle occasion de réaliser nos premières photos de cette espèce !
Le plus grand des canards européens se reconnaît facilement à son plumage bariolé blanc, noir et roux et à son bec rouge vif. L'espèce nichant dans une cavité (souvent un ancien terrier de lapin), la femelle n'a pas besoin de porter un plumage type "camouflage" que l'on voit chez beaucoup d'espèces de canard. Ses couleurs sont aussi vives que celles du mâle, cependant ce dernier se reconnaît à sa plus grande taille et à son bec surmonté d'un tubercule. Le Tadorne de Belon se plaît dans les zones maritimes, car il se nourrit surtout de mollusques aquatiques, mais dans certaines région, on le trouve aussi dans les terres, où il affectionne les bassins de décantation (en Picardie par exemple).
En dehors des canards, la deuxième catégorie d'oiseaux facile à observer sur le marais est celle que l'on appelait autrefois "les échassiers", avec une belle surprise, un groupe de Spatules blanches (Platalea leucorodia). A contre jour, le marais a un petit air de lac Africain :
On assiste à une toilette collective des spatules et des cygnes. On notera la différence de taille entre les 2 espèces (le Cygne tuberculé étant un des oiseaux volant les plus lourds), ainsi que le bec rosé des spatules, qui indique que ce sont des jeunes pas encore en âge de se reproduire (les adultes, au bec sombre, sont occupés à nicher à cette période de l'année).
Les spatules peuvent avoir des attitudes très comiques comme ci-dessous. Voir aussi d'autres photos sur oiseaux.net http://www.oiseaux.net/photos/regine.le.courtois.nivart/spatule.blanche.html, prises au Parc du Marquenterre en Baie de Somme.
Les autres grands ou moyens échassiers présents sur le marais sont le Héron cendré (Ardea cinerea), l'Aigrette garzette (Egretta garzetta) et l'Echasse blanche (Himantopus himantopus). Ces 2 dernières espèces feront l'objet d'article dédié car on a fait vraiment beaucoup de photos.
L'Echasse blanche, maintenant classées parmi les Limicoles, m'amène à faire la transition avec les autres membres de la famille que nous avons pu identifier sur le site.
Tout d'abord la Barge à queue noire (Limosa limosa), un limicole assez grand au très long bec bicolore (ce qui permet de la différencier de sa cousine la Barge rousse, dont le bec est entièrement sombre). Nous en avons observé un seul individu, en plumage nuptial ou presque. Niche-t-il dans la région ou est-il en retard sur sa migration ? L'atlas des oiseaux nicheurs de France métropolitaine, paru en 2015, indique une reproduction probable dans les marias de Loire-Atlantique, ce qui n'est pas si loin ...
La Barge à queue noire se nourrit d'invertébrés trouvés dans la vase. Ses longues pattes lui permettent de s'avancer assez loin dans l'eau sans avoir à nager. Elle passe beaucoup de temps le bec, la tête et le cou totalement immergé sous l'eau à la recherche de vers, larves et crustacés variés. Il faut être patient pour réussir des photos de l'oiseau avec la tête hors de l'eau !
Les Barges à queue noire peuvent aussi chercher de quoi manger dans les prairies, les photos de l'animal en entier sont alors plus facile à obtenir. J'ai eu la chance d'en observer tout un troupeau en Islande, voir ici : 16 août 2014 : L’hiver à Akureyri – l’été à Reykjavik.
Mais revenons au Marais de Suscinio et à ses limicoles. Nous y apercevrons deux autres espèces, tout d'abord un Chevalier aboyeur (Tringa nebularia), tout gris, aperçu près d'un couple de Tadorne de Belon :
Et puis quelques Chevaliers gambette (Tringa totanus), gris-brun, pattes rouges, base du bec du même rouge, vu en petit groupe de 3 individus :Fin avril, c'est la période où les Martinets noirs (Apus apus) reviennent d'Afrique. Nous en verrons quelques un chasser les insectes au dessus du marais. Peut-être nichent-ils aussi dans les mur ou sous les toitures du château ? C'est un peu tôt pour le savoir. Par contre il y en a un qui est au courant du retour des martinets, c'est le Faucon hobereau (Falco subbuteo), qui a surgit un matin sans prévenir. Egalement visiteur d'été dans nos régions, ce faucon se nourrit surtout de libellules, d'hirondelles et de ... martinets.
Les mammifères profitent aussi de la quiétude de cet espace naturel préservé. Nous avons fait la rencontre d'un chevreuil, qui nous a longuement observé avant de s'en aller tranquillement. Seul un champ d'iris des marais nous séparait du cervidé.
Dans un prochain article, je vous présenterai les passereaux du marais. En attendant, je vous dit à bientôt pour d'autres découvertes.
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Pour notre deuxième jour à Cuzco et dans la vallée sacrée, nous avons prévu une excursion vers des sites assez insolites, qui vont nous montrer des facettes méconnues de la technologie des peuples précolombiens.
En chemin, nous nous arrêtons pour admirer les paysages grandioses de la Cordillère des Andes, dont on ne se lasse pas.
Au loin, derrière les genêts, un pic enneigé surpasse ses voisins, il dépasse certainement les 6000 m. Peut-être est-ce le Salcantay, une des montagne sacrée des Incas, plus haut sommet de la cordillère de Vilcabamba, située plein ouest par rapport à notre trajet... On le verra de plus près depuis le site de Moray.
Un peu plus loin, après avoir passé le village de Chinchero que nous visiterons le lendemain, nous nous arrêtons pour admirer la vallée de l'Urubumba. On distingue au fond la localité de Huaylabamba, une des nombreuses agglomérations qui jalonnent cette vallée très urbanisée, contrastant avec l'habitat clairsemé des zones plus en altitude.
Après avoir parcouru un plateau herbeux où paissent divers animaux domestiques, dont un cochon avec ses petits, nous arrivons au site de Moray. Découvert en 1930 après des siècles d'oubli, il est constitué de plusieurs ensembles de terrasses concentriques. Le plus grand d'entre eux a été restauré. Les archéologues s'accordent à penser qu'il s'agit d'un centre agronomique mis au point par les Incas pour simuler les différents climats de leur Empire et sélectionner les variétés de plantes les mieux adaptées aux différentes régions. En effet la température et l'ensoleillement des différentes terrasses varient de manière importante suivant leur orientation et l'étage auquel elles sont situées.
Un deuxième labo plus petit et imparfaitement restauré :
Des escaliers de pierre permettaient de parcourir les différentes terrasses. Certains pensent que les inspecteurs des impôts de l'époque étudiaient ici pour déterminer les rendements agricoles des différents régions de l'Empire afin d'ajuster les taxes en conséquences ...
Peu d'oiseaux lors de cette visite, à part quelques Bruants chingolo dans les buissons. Par contre on retrouve notre 6000 m enneigé qui veillait déjà sur les expériences agronomiques des Incas il y a plus de 500 ans :
Le deuxième site de la matinée est situé à quelques kilomètres de Moray, il s'agit des Salines de Maras. Les habitants de la région, bien avant les Incas, avaient repéré une source d'eau salée au flanc de la montagne. C'est là qu'ils ont construit petit à petit des bassins en terrasses leur permettant de récolter le sel grâce à l'évaporation. Le flanc de la montagne est recouvert d'une mosaïque de bassins colorés dans les tons ocres. Encore exploitées de nos jours, ces salines étaient une aubaine au temps pré-colombien car la région est éloignée de la mer tant par la distance que par le relief.
De retour à Cuzco, nous profitons de l'après-midi pour visiter la cathédrale, consacrée à Notre-Dame-de-l'Assomption, ce qui tombe bien puisque nous sommes le 15 août. L'édifice, construit à l'emplacement du palais de l'Inca Viracocha, est situé sur la Place d'Armes. Une partie des pierres utilisées provient du site de Sacsayhuamán dont je vous ai parlé dans un précédent article : Cuzco, capitale des Incas. La cathédrale mérite que l'on s'attarde devant chaque chapelle, tableau (de l'école de Cuzco bien sûr), et autres œuvres d'art, dont le maître-autel recouvert d'argent massif et la statue du Christ noir sensé protéger la ville des tremblements de terre. Les 2 églises plus petites qui flanquent la cathédrale valent également le détour (et leur visite est incluse dans le billet).
En sortant de la cathédrale, nous remarquons que l'animation de la Place d'Armes est bien plus importante que le jour précédent. Nous allons avoir la chance d'assister aux festivités du 15 août, fête majeure dans un pays catholique comme le Pérou : les danses folkloriques succèdent aux processions tout autour de la place. La statue de la Vierge Marie est portée jusqu'à la cathédrale sur un baldaquin de bois sculpté et décoré d'offrandes diverses : fleurs, légumes, fruits ... Certainement une tradition remontant aux cultes des divinités pré-hispaniques, peut-être au culte de la Pachamama. La statue, comme la plupart de celles présentes dans les églises péruviennes, ressemble à une poupée revêtue de somptueux vêtements brodées.
Ainsi se termine cette deuxième journée à Cuzco. Je vous dis à bientôt pour la suite du voyage, avec à nouveau des oiseaux pour les amateurs d'ornithologie ...
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